samedi 17 novembre 2018

Making Of "Le Militaire" avec Laurent Lucas

 
Nous sommes à l'automne 2012, Noël Mitrani réalise son troisième long-métrage "Le Militaire" avec l'acteur Laurent Lucas : tout en mettant en scène il capture des images du tournage. Ce document inédit nous permet de découvrir les conditions de ce film tourné en super 16 mm. À la caméra le directeur-photo Bruno Philip. On entend la voix de Noël Mitrani qui donne ses indications de mise-en-scène.

samedi 3 novembre 2018

Derrière les uniformes avec Noël Mitrani

Le réalisateur Noël Mitrani a de la suite dans les idées. Après The Kate Logan Affair, récit d’une policière qui pète les plombs jusqu’à commettre l’irréparable, il propose Le militaire, film dans lequel un ancien soldat est miné par les démons du stress post-traumatique.
L’uniforme semble le fasciner, suggère-t-on. Le cinéaste opine en riant.

« L’uniforme est une démonstration de formalité, de régularité. Il incarne l’ordre dans la société. Mais derrière l’uniforme, il y a des êtres humains qui souffrent, indique M. Mitrani, dont le film sera présenté ce soir au Festival du nouveau cinéma. On parle toujours de la guerre d’un point de vue politique, en mettant l’accent sur les gouvernements. Mais des gens reviennent de la guerre dans un état lamentable. »

« PLUS PATHÉTIQUE QUE PERVERS »
Dans une perspective plus large, Mitrani est fasciné par des personnages qui ont vécu quelque chose de très fort et qui vivent avec un passé chargé. Son long métrage Le militaire s’inscrit indéniablement dans cette lignée.

Incarné par Laurent Lucas, ce militaire s’appelle Bertrand. Il vit à Montréal dans un logement convenable. Sans aucune attache, il est gravement coupé du monde et vit dans un monde imaginaire fait de violence, d’ordre (regardez-le préparer ses œufs), de méfiance. Son rapport aux femmes fait peur. Il les traque dans la rue et prend secrètement des photos d’elles.

Un jour, son petit manège est découvert dans un parc par Audrey (Noémie Godin-Vigneau), qui l’entraîne dans un jeu de chat et de souris. D’abord meurtri à son tour, Bertrand sera peu à peu amené à comprendre que sa vie ne va nulle part et entreprend péniblement de se prendre en mains.
« Ce personnage n’est pas un pervers, dit Mitrani. C’est un homme livré à sa solitude et qui a besoin d’amour. Il est plus pathétique que pervers. Il est complètement bloqué et est enfermé dans une règle, une rigidité, sans pouvoir s’ouvrir à des sentiments normaux et beaux. »

COLLABORATION RENOUVELÉE
Tout au long de ce long métrage, Laurent Lucas est d’une intensité hallucinante. Son personnage se construit un monde imaginaire auquel il croit. Dans une scène prenante, il passe une soirée romantique avec la femme du parc incarnée uniquement par son manteau rouge déposé sur un mannequin de corps féminin.

Lucas est l’acteur fétiche de Mitrani. Il avait déjà joué dans ses deux films précédents, Sur la trace d’Igor Rizzi et The Kate Logan Affair. Les deux hommes ont fait connaissance sur un plateau de tournage en France il y a plusieurs années. Ils se complètent parfaitement, indique le cinéaste.
« Nous avons une coordination incroyable en matière d’émotions et de sentiments », dit Mitrani à propos de son acteur.
« Je lui donne des actions à faire sans avoir besoin de lui en donner les motifs. On n’a jamais besoin d’intellectualiser les rôles. Je fabrique les personnages et Laurent leur donne toute leur humanité grâce à son jeu sobre et tout en finesse. »
— Le réalisateur Noël Mitrani à propose de Laurent Lucas

Lucas a fait 18 mois de service militaire français. « Il en a conservé une expérience très forte, dit le réalisateur. Cela nous a beaucoup servis pour nourrir le personnage de Bertrand. »
Le film a été tourné en une quinzaine de jours en super 16 mm et de façon totalement indépendante, sans financement public. Cela a permis à M. Mitrani de faire quelques expériences intéressantes. « Le tournage s’est fait dans un état d’esprit documentaire, dit-il. Pour chaque scène, nous avons fait une seule prise. Je voulais que la situation dans laquelle je plonge le personnage ne se présente qu’une seule fois. »

Il a poussé l’instantanéité en laissant de l’espace à son scénario original faisant une quarantaine de pages. « J’ai écrit le tiers du film en me levant le matin, raconte-t-il. J’écrivais deux ou trois scènes à chaud le matin et j’ai adoré ça ! Je n’aurais pas pu travailler de cette façon en cherchant du financement des institutions. Même chose avec la postproduction. J’ai mis presque un an à la polir. »
C’est ça, le cinéma d’auteur !